Formation à l’éthique dans les équipes terrain
Bien que professionnels des prises en charge à domicile, les collaborateurs terrain sont souvent confrontés à des situations d’ordre éthique. Comment les aider à trouver la meilleure alternative pour répondre aux besoins du client tout en respectant la déontologie propre à leur métier ? Dans le cadre de la politique des ressources humaines, une formation à l’éthique est proposée à toutes celles et ceux qui rencontrent ce type de situation. Explications avec Carlo Foppa, éthicien et Silvana Soland, chargée de formation au CCGC.
En quoi consiste la formation à l’éthique ?
Silvana Soland (S.S) : Appelée « Introduction à l’éthique », cette formation, animée par Carlo Foppa, PhD[1] éthicien et formateur, conjugue théorie et pratique. Elaborée et organisée en collaboration avec la direction des opérations et le centre de compétences et gestion des carrières (CCGC), elle est planifiée à raison de trois sessions par année, dispensées sur 2 jours.
Carlo Foppa (C.F) : Elle s’articule autour de trois axes. Le 1er est une introduction générale à l’éthique et ses notions de base. Le 2e porte sur les valeurs et le droit. Il s’agit de la partie centrale du cours. L’objectif est ici d’expliquer aux collaborateurs que ce n’est pas parce qu’ils sont des professionnels de la santé qu’ils cessent d’être des citoyens. Ce qui signifie que les règles du fonctionnement en société s’appliquent pour tous. Ce qui est, par exemple le cas, dans les situations où il y a atteinte à la personnalité lors de maltraitance. Le 3e et dernier axe du cours traite de la gestion de la mort. Comment saisir les enjeux éthiques et légaux de thèmes tels que l’euthanasie ou l’assistance au suicide ?
Durant la partie interactive, les collaborateurs travaillent en groupe sur des vignettes cliniques (cas réels de patients et soignants pris dans un contexte hospitalier). L’objectif est d’évaluer comment les collaborateurs ont intégré les aspects théoriques dans la pratique.
[1] Docteur en philosophie
Quels sont les objectifs de cette formation ?
S.S : Le premier objectif consiste à développer un langage commun en éthique qui porte sur les valeurs, les règles et les normes de comportement. Le second objectif est de différencier l’éthique, la morale, le juridique et les pratiques professionnelles dans les situations délicates. Enfin, il s’agit de savoir identifier les situations qui nécessitent le recours au conseil éthique.
C.F : Je rejoins Silvana sur l’importance d’acquérir un langage commun car si on parle tous la même langue, on se comprend mieux. Le cours permet aussi d’assimiler de nouvelles compétences. Lors de travaux de groupe, il ne s’agit pas d’appliquer un savoir théorique mais de pouvoir mener un débat éthique, d’argumenter pour viser le consensus. De retour dans son équipe, le collaborateur possède alors les outils pour faire face à une situation mettant en jeu des conflits de valeurs.
Durant la formation, les collaborateurs reçoivent également un document contenant toutes les dispositions légales qui touchent à leurs activités professionnelles. Nous lisons et décortiquons ce document ensemble. Ils ont ainsi un outil juridique auquel se référer.
Depuis 2018, vous êtes l’éthicien clinique de l’institution. À ce titre, vous vous rendez dans les équipes selon un planning établi. Quel est votre rôle exactement ?
C.F : Lorsque je me rends dans une équipe, j’interroge les collaborateurs sur les situations délicates qu’ils rencontrent et qu’ils souhaitent partager.
La plupart du temps, il s’agit de cas de maltraitance ou d’assistance au suicide. Mais cela peut aussi concerner des interventions touchant à l’acharnement thérapeutique et dans lesquelles ils ne savent plus comment se positionner.
Dans un contexte où les limites de la prise en charge à domicile se heurtent à l’obligation d’admettre de imad, la question qui se pose alors est « jusqu’où on va ? ».
C’est pourquoi, les personnes qui ont suivi la formation disposent de plus d’outils et peuvent faire le lien entre ce qu’elles ont appris et le transposer dans des situations concrètes.
Quand ces formations ont-elles débuté et combien de collaborateurs sont concernés ?
S.S : Elles ont débuté en octobre 2017 avec une première session destinée aux membres du conseil éthique. En 2018, les responsables d’équipe ont été formés. L’« Introduction à l’éthique » est destinée aux responsables d’équipe et à l’ensemble des professionnels de l’aide et des soins sur inscription du responsable hiérarchique. Nous souhaitons pérenniser cette formation pour donner la possibilité à tous les collaborateurs terrain de se former.
Il faut souligner que cette formation a été initiée et soutenue par le comité de direction par l’intermédiaire du directeur des opérations, Olivier Perrier-Gros-Claude pour favoriser la dimension éthique et soutenir les collaborateurs.
D’octobre 2017 à ce jour, nous comptons 116 collaborateurs formés (membres imad du CE inclus), soit un directeur opérationnel, une conseillère juridique, 59 responsables d’équipes, 15 infirmières spécialistes clinique, 25 infirmières, 8 ASSC, une aide-soignante, une aide à domicile, un ergothérapeute, deux diététicien-nes et deux gérants sociaux.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les sessions de formation prévues en 2020 ?
S.S : En 2020, les sessions de formation à l’éthique seront renouvelées. Les dates sont à définir. Nous envisageons un nouveau module d’une demi-journée qui viendrait agrémenter les 2 jours actuels de formation.
Il faut savoir que chaque session de formation est évaluée et que nous effectuons un bilan annuel de la formation. Nous tenons compte des retours des collaborateurs exprimés dans les évaluations de façon à faire évoluer le dispositif en continu pour qu’il soit adapté au plus près des besoins identifiés dans les équipes. Il va sans dire que les participants sont tous ravis de bénéficier de cette formation institutionnelle, de l’expertise d’un éthicien et de son éclairage pour analyser la dimension éthique dans les situations.
Avec ce module supplémentaire, nous souhaitons répondre aux besoins des collaborateurs et aller plus loin dans l’apprentissage. Ils pourraient ainsi présenter une situation de prise en charge réelle avec les éléments méthodologiques acquis durant les deux jours de formation et la partager avec les autres participants. Une manière aussi de renforcer l’interaction entre pairs et l’interprofessionnalité !